« L’Ordre de la Mère de Dieu n’aura donc jamais son heure ? »

(Extrait de Louis Massignon et les amis de Notre-Dame de la Salette)

Toutes les tentatives d’implantation de l’Ordre de la Mère de Dieu, commencées du vivant de la bergère de la Salette (Maranville), sont demeurées quasiment confidentielles, même les plus importantes (Maranville, Louvain, Saint Lambert du Lattay). L’Ordre de la Mère de Dieu n’a pas encore connu son heure, à l’exception des couvents qui demeurent en Italie.

Il y a plusieurs manières d’expliquer cette fatalité.

L’Ordre de la Mère de Dieu n’a jamais été érigé en congrégation, ni en France, ni en Belgique. Il s’agit tout au plus d’une « pieuse union », reconnue par quelques rares évêques, comme le cardinal Mercier à l’origine de la fondation de Louvain, ou le cardinal Suhard à Paris, dans les années 1940. Or, sans l’engagement d’un évêque, les « bases viables » en sont absentes. 

Chaque tentative de fondation de l’Ordre de la Mère de Dieu est nouvelle et sans recul par rapport à celles qui l’ont précédée. Il s’agit à chaque fois d’une expérimentation qui ne peut se prévaloir d’aucun acquis. Les mêmes difficultés surgissent, la jeune communauté connaît les mêmes troubles, traverse les mêmes épreuves, et la Supérieure ne peut compter que sur elle-même pour les affronter. 

Certes, et ce n’est pas faux, il est facile d’y voir également l’action du Démon, la « rage de Satan contre l’Œuvre » dont parle fréquemment Mélanie dans sa correspondance. « Dans quelques circonstances il a plu à Dieu d’accorder au démon un pouvoir tout à fait extraordinaire sur quelques âmes privilégiées », écrit le Dr Imbert-Gourbeyre. Pourquoi n’en serait-il pas de même avec un Ordre aussi favorisé, du fait de son origine mariale, que l’Ordre de la Mère de Dieu ?

Ce qui n’écarte pas la raison principale des échecs successifs des fondations de l’Ordre de la Mère de Dieu, mais la confirmerait plutôt : le désintéressement de soi plus ou moins marqué selon les individualités et qui, s’agissant de la Règle confiée à Mélanie, exigeait d’être radical. 

Enfin il a manqué sans doute dans toutes ces tentatives, en France et en Belgique, d’une figure charismatique. La direction d’un saint comme Annibale di Francia, d’un bienheureux père Cusmano leur a fait défaut. Et la belle personnalité du chanoine Thiéry, certes avec tous les caractères du génie qu’il était, s’est montrée trop originale, trop désorganisée pour animer aussi bien sa propre fondation à Louvain que celle qui était destinée à devenir sa principale fille en France, à Saint Lambert du Lattay.

Les Apôtres des derniers temps

L’insuccès des fondations de l’Ordre de la Mère de Dieu apparaît le signe, d’une part de ce que celles-ci arrivèrent trop tôt et, d’autre part, que l’Ordre lui-même ne se répandra dans l’Eglise que lorsque le moment sera venu, selon la divine Providence, et avec le secours des Apôtres des derniers temps, ce petit nombre d’âmes saintes, hommes et femmes, annoncés par Notre-Dame de la Salette à Mélanie, la première d’entre les victimes du Christ. Louis Massignon écrivait à Sœur Claire, le 16 août 1948 : « Plus profondément, pour vous comme pour moi, qui avons eu l’honneur immérité de comprendre quel glaive le clergé indigne enfonce dans le Cœur très pur, il n’y a qu’à faire le mort, comme disait Mélanie, et d’être victimes, jusqu’au bout ; victimes de réconciliation, et témoins, aussi, de la Justice : quand il nous est permis de sortir du silence de notre indignité, pour crier la vérité. »

Johannes Maria Hocht, La Salette und Hiroshima. Wiesbaden, Credo Verlag, 1950

Après les corps mutilés, humiliés de deux Guerres mondiales, après l’atroce apocalypse d’Hiroshima et de Nagasaki, après l’actuelle décadence mortifère des sociétés occidentales et les scandales récents qui ont frappé notre Eglise catholique, il se trouve encore des gens pour penser que la Salette, id est le Message secret de Mélanie, « exagérait ». Non, la Salette n’exagère pas, et l’appel de Notre-Dame aux Apôtres des derniers temps reste d’une réelle actualité pour notre présente humanité.

ANNEXE

« Les pères de la Salette sont missionnaires de la Salette – tandis que ceux d’Italie sont missionnaires de la Mère de Dieu, et ils observent sa Règle », écrivait Mélanie en 1904. Ainsi en est-il depuis plus de quarante ans au Mexique (1980), à Merida, pour les Misioneras de la Madre de Dios.

Que Jésus soit aimé de tous les cœurs

En 1975, le père Robert Russell, professeur au Grand Séminaire de Mérida, fondateur d’un Collège biblique apostolique dans cette même ville, entre en contact avec l’Association des Enfants de Notre-Dame de la Salette, créée en 1957 par Fernand Corteville, après la mort de Sœur Claire (Germaine Blanchard) à Saint-Lambert du Lattay. La Vue de Mélanie le confirme dans son choix de la Règle, car il y reconnait le Yucatan et sa population : « Je vis cette immense plaine avec ses habitants. Dans certaines parties les hommes étaient blancs ; et dans d’autres, ils étaient couleur bois… » Depuis 1980, les Missionnaires de la Mère de Dieu observent la Règle donnée à Mélanie par Notre-Dame de la Salette. Le 15 mai 2010, la communauté des Sœurs missionnaires est érigée en congrégation religieuse.


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